"Ces pensées qui nous viennent spontanément à l'esprit nous dévoilent notre état intérieur. Les moines avaient recours à ces pensées pour examiner si l'un des huit vices les concernait : goinfrerie, luxure, cupidité, tristesse, colère, acédie, vanité ou fierté(…)
De nos jours, il est de bon ton de se dire frustré et de se laisser absorber par des sentiments de frustration, au point que tout un chacun peut les lire sur notre visage. Les anciens moines diraient que celui-là est déjà possédé par le vice de la tristesse. Ou bien que parfois nous nous emportons intérieurement contre autrui. Dans notre silence, nous inventons de brillants discours, destinés à montrer aux autres que nous sommes dans notre droit et que nous leur sommes supérieurs. Ensuite, dans notre silence, nous savourons notre colère et nous l'entretenons par une argumentation et des invectives que nous poursuivons en nous-mêmes. D'autres se lamentent sur leur sort, en se disant en ces moments de calme intérieur, que rien n'a de sens et que tout est insensé, bref qu'il est inutile de s'engager. Tel serait le vice de l'acedia. Il y a des personnes qui dans leur silence se représentent la prochaine séance qui aura lieu sur la scène du théâtre de leur vie. Ils la répètent pour les spectateurs, devant qui ils désirent jouer leur rôle, pour être applaudis. Dans leur silence, ils imaginent des réparties qu'on pourrait admirer, afin d'attirer l'attention sur eux. Ou bien ils s'admirent eux-mêmes. Ils ne cessent de se dire combien ils sont importants et comme le monde devrait se réjouir qu'ils existent avec leurs qualités, leurs aptitudes et leurs talents. Leurs pensées gravitent uniquement autour d'eux-mêmes, de leur importance et de leur originalité. On a beau se taire extérieurement mais à l'intérieur de nous-mêmes, on ne cesse de parler. En nous, parlent les pulsions inassouvies, les aspirations insatisfaites ; en nous parlent les émotions et les impressions, en nous parlent la vanité et la vantardise. Le silence extérieur ne veut rien dire de notre capacité à faire silence à l'intérieur de nous-mêmes. Or c'est ce silence intérieur que les moines recherchent finalement."
De nos jours, il est de bon ton de se dire frustré et de se laisser absorber par des sentiments de frustration, au point que tout un chacun peut les lire sur notre visage. Les anciens moines diraient que celui-là est déjà possédé par le vice de la tristesse. Ou bien que parfois nous nous emportons intérieurement contre autrui. Dans notre silence, nous inventons de brillants discours, destinés à montrer aux autres que nous sommes dans notre droit et que nous leur sommes supérieurs. Ensuite, dans notre silence, nous savourons notre colère et nous l'entretenons par une argumentation et des invectives que nous poursuivons en nous-mêmes. D'autres se lamentent sur leur sort, en se disant en ces moments de calme intérieur, que rien n'a de sens et que tout est insensé, bref qu'il est inutile de s'engager. Tel serait le vice de l'acedia. Il y a des personnes qui dans leur silence se représentent la prochaine séance qui aura lieu sur la scène du théâtre de leur vie. Ils la répètent pour les spectateurs, devant qui ils désirent jouer leur rôle, pour être applaudis. Dans leur silence, ils imaginent des réparties qu'on pourrait admirer, afin d'attirer l'attention sur eux. Ou bien ils s'admirent eux-mêmes. Ils ne cessent de se dire combien ils sont importants et comme le monde devrait se réjouir qu'ils existent avec leurs qualités, leurs aptitudes et leurs talents. Leurs pensées gravitent uniquement autour d'eux-mêmes, de leur importance et de leur originalité. On a beau se taire extérieurement mais à l'intérieur de nous-mêmes, on ne cesse de parler. En nous, parlent les pulsions inassouvies, les aspirations insatisfaites ; en nous parlent les émotions et les impressions, en nous parlent la vanité et la vantardise. Le silence extérieur ne veut rien dire de notre capacité à faire silence à l'intérieur de nous-mêmes. Or c'est ce silence intérieur que les moines recherchent finalement."
(Anselm Grün, Apprendre à faire silence)