samedi 4 septembre 2010

Fables

Que faire alors des paroles de l’artiste sur son œuvre et sur l’art ?
Devons-nous les prendre pour une théorie complète ? Cela ne serait pas raisonnable : même chez Kandinski ou godard, il y a toujours écart et dysfonctionnement entre la théorie et la pratique esthétiques ; nous ne sommes pas face à un mode d’emploi. 
Devons-nous alors les prendre pour des bribes subjectives sans valeurs ? Ce serait manquer leur richesse, leur force et leur fulguration. 
En réalité, nous devons nous transformer dans notre désir de réponse et dans notre manière de recevoir ces mots d’artistes qui ne sont pas réductibles aux mots d’enfants créateurs. Ces phrases prononcées ont une fonction pratico-esthétique qui l’emporte sur la fonction de connaissance : elles sont nécessaires pour que l’œuvre soit et soit telle qu’elle est. A la fois maïeutiques et poïétiques, elles accompagnent sa naissance : l’artiste a besoin d’elles pour faire être et pour faire recevoir son faire et son être. 
Ce sont des fables : elles peuvent être critique ou louange de l’œuvre ; dans tous les cas, elles participent du fabuleux et de la fabulation, de l’histoire racontée en vue d’une morale et de l’aventure récitée en vue d’une épopée. Car les artistes sont des héros : ils ont raison de le savoir et de le montrer. Leur voix nous ouvre une voie vers cette chose même qui est l’œuvre.

François Soulage / Esthétique de la photographie