Acedia regroupe des éléments liés aux photographies de Patrice Broquier. C'est aussi le partage de quelques textes, livres et expositions...
mercredi 11 juin 2008
Apprendre à faire silence
"Ces pensées qui nous viennent spontanément à l'esprit nous dévoilent notre état intérieur. Les moines avaient recours à ces pensées pour examiner si l'un des huit vices les concernait : goinfrerie, luxure, cupidité, tristesse, colère, acédie, vanité ou fierté(…)
De nos jours, il est de bon ton de se dire frustré et de se laisser absorber par des sentiments de frustration, au point que tout un chacun peut les lire sur notre visage. Les anciens moines diraient que celui-là est déjà possédé par le vice de la tristesse. Ou bien que parfois nous nous emportons intérieurement contre autrui. Dans notre silence, nous inventons de brillants discours, destinés à montrer aux autres que nous sommes dans notre droit et que nous leur sommes supérieurs. Ensuite, dans notre silence, nous savourons notre colère et nous l'entretenons par une argumentation et des invectives que nous poursuivons en nous-mêmes. D'autres se lamentent sur leur sort, en se disant en ces moments de calme intérieur, que rien n'a de sens et que tout est insensé, bref qu'il est inutile de s'engager. Tel serait le vice de l'acedia. Il y a des personnes qui dans leur silence se représentent la prochaine séance qui aura lieu sur la scène du théâtre de leur vie. Ils la répètent pour les spectateurs, devant qui ils désirent jouer leur rôle, pour être applaudis. Dans leur silence, ils imaginent des réparties qu'on pourrait admirer, afin d'attirer l'attention sur eux. Ou bien ils s'admirent eux-mêmes. Ils ne cessent de se dire combien ils sont importants et comme le monde devrait se réjouir qu'ils existent avec leurs qualités, leurs aptitudes et leurs talents. Leurs pensées gravitent uniquement autour d'eux-mêmes, de leur importance et de leur originalité. On a beau se taire extérieurement mais à l'intérieur de nous-mêmes, on ne cesse de parler. En nous, parlent les pulsions inassouvies, les aspirations insatisfaites ; en nous parlent les émotions et les impressions, en nous parlent la vanité et la vantardise. Le silence extérieur ne veut rien dire de notre capacité à faire silence à l'intérieur de nous-mêmes. Or c'est ce silence intérieur que les moines recherchent finalement."
De nos jours, il est de bon ton de se dire frustré et de se laisser absorber par des sentiments de frustration, au point que tout un chacun peut les lire sur notre visage. Les anciens moines diraient que celui-là est déjà possédé par le vice de la tristesse. Ou bien que parfois nous nous emportons intérieurement contre autrui. Dans notre silence, nous inventons de brillants discours, destinés à montrer aux autres que nous sommes dans notre droit et que nous leur sommes supérieurs. Ensuite, dans notre silence, nous savourons notre colère et nous l'entretenons par une argumentation et des invectives que nous poursuivons en nous-mêmes. D'autres se lamentent sur leur sort, en se disant en ces moments de calme intérieur, que rien n'a de sens et que tout est insensé, bref qu'il est inutile de s'engager. Tel serait le vice de l'acedia. Il y a des personnes qui dans leur silence se représentent la prochaine séance qui aura lieu sur la scène du théâtre de leur vie. Ils la répètent pour les spectateurs, devant qui ils désirent jouer leur rôle, pour être applaudis. Dans leur silence, ils imaginent des réparties qu'on pourrait admirer, afin d'attirer l'attention sur eux. Ou bien ils s'admirent eux-mêmes. Ils ne cessent de se dire combien ils sont importants et comme le monde devrait se réjouir qu'ils existent avec leurs qualités, leurs aptitudes et leurs talents. Leurs pensées gravitent uniquement autour d'eux-mêmes, de leur importance et de leur originalité. On a beau se taire extérieurement mais à l'intérieur de nous-mêmes, on ne cesse de parler. En nous, parlent les pulsions inassouvies, les aspirations insatisfaites ; en nous parlent les émotions et les impressions, en nous parlent la vanité et la vantardise. Le silence extérieur ne veut rien dire de notre capacité à faire silence à l'intérieur de nous-mêmes. Or c'est ce silence intérieur que les moines recherchent finalement."
(Anselm Grün, Apprendre à faire silence)
mardi 10 juin 2008
Lao tseu
" Le pesant est la racine du léger ; la quiétude est maîtresse de l’agitation. Aussi le prince voyage-t-il tout le jour sans quitter son pesant fourgon. Devant les spectacles les plus magnifiques il reste calme et détaché. Comment le maître de dix mille chars pourrait-il se permettre de négliger l’empire ? Qui se conduit avec légèreté perdra la Racine de son autorité ; Qui s’agite perdra la maîtrise de soi. "
Lao tseu
Walter Benjamin / quelques extraits
(…)
"A la reproduction même la plus perfectionné d’une œuvre d’art, un facteur fait toujours défaut : son hic et nunc, son existence unique au lieu où elle se trouve. Sur cette existence unique, exclusivement s’exerçait son histoire."
"A la reproduction même la plus perfectionné d’une œuvre d’art, un facteur fait toujours défaut : son hic et nunc, son existence unique au lieu où elle se trouve. Sur cette existence unique, exclusivement s’exerçait son histoire."
(…)
"Le hic et nunc de l’original forme le contenu de la notion de l’authenticité, et sur cette dernière repose la représentation d’une tradition qui a transmis jusqu’à nos jours cet objet comme étant resté identique à lui-même. Les composantes de l’authenticité se refusent à toute reproduction non pas seulement à la reproduction mécanisée."
(…)
"La reproduction mécanisée s’affirme avec plus d’indépendance par rapport à l’original que la reproduction manuelle."
(…)
"L’authenticité d’une chose intègre tout ce qu’elle comporte de transmissible de par son origine, sa durée matérielle comme son témoignage historique. Ce témoignage reposant sur sa matérialité, se voit remis en question par la reproduction, d’où toute matérialité s’es retirée. Sans doute seul ce témoignage est-il atteint, mais en lui l’autorité de la chose et son poids traditionnel."
(…)
"La reproduction mécanisée, pour la première fois dans l’histoire universelle, émancipe l’œuvre d’art de son existence parasitaire dans le rituel."
(…)
"Mais dès l’instant où le critère d’authenticité cesse d’être applicable à la production artistique, l’ensemble de la fonction sociale de l’art se trouve renversé. A son fond rituel doit se substituer un fond constitué par une pratique autre : la politique."
(…)
"La valeur rituelle exige presque que l’œuvre d’art demeure cachée."
(…)
"Avec l’émancipation des différents procédés d’art au sein du rituel se multiplient pour l’œuvre d’art les occasions de s’exposer."
(…)
"Avec les différentes méthodes de reproduction de l’œuvre d’art, son caractère d’exposabilité s’est accru dans de telles proportions que le déplacement quantitatif entre les deux pôles se renverse, comme aux âges préhistoriques, en transformation qualitative de son essence. De même qu’aux âges préhistoriques , l’œuvre d’art, par le poids absolu de sa valeur rituelle, fut en premier lieu un instrument de magie dont on n’admit que plus tard le caractère artistique, de même de nos jours, par le poids absolu de sa valeur d’exposition, elle devient une création à fonctions entièrement nouvelles – parmi lesquelles la fonction artistique, se distingue en ce qu’elle sera sans doute reconnue plus tard accessoire. Du moins est-il patent que le film fournit les éléments les plus probants à pareil pronostic."
(…)
"Dans la photographie, la valeur d’exposition commence à refouler sur toute la ligne la valeur rituelle. Mais celle-ci ne cède pas le terrain sans résister. Elle se retire dans un ultime retranchement : la face humaine."
(…)
"Dans l’expression fugitive d’un visage humain, sur d’anciennes photographies, l’aura semble jeter un dernier éclat."
(…)
"Mais sitôt que la figure humaine tend à disparaître de la photographie, la valeur d’exposition s’y affirme comme supérieure à la valeur rituelle."
Walter Benjamin.
La photographie en Allemagne. Extraits
lundi 9 juin 2008
Song: They Say It's Wonderful
Song: They Say It's Wonderful
They say that falling in love is wonderful
They say that falling in love is wonderful
It's wonderful, so they say.
And with a moon up above it's wonderful
It's wonderful, so they tell me.
I can't recall who said it
I know I never read it
I only know that falling in love is grand
And the thing that's known as romance
Is wonderful, wonderful
In every way
So they say
Rumors fly and they often leave without
But you've come to the right place to find out
Ev'rything that you've heard is really so
I've been there once or twice
and I should know
You'll find that falling in love is wonderful
It's wonderful, as they say
And with a moon up above it's wonderful
It's wonderful, as they tell you
You'll leave your house a morning
And without any warning
You're stopping people shouting that love is grandAnd
to hold a man in your arms
is wonderful, wonderful
In every way (...)
Judy Garland
Judy Garland
Diane Arbus
" A photography is a secret about a secret. The more it tells you the less you know. "
Diane Arbus
Diane Arbus
Anthropologie du cadre photographique
"Il a suffit du passage des céréales sauvages aux céréales cultivées, avec le besoin agraire de délimitation des étendues et des capacités, pour que des équerres de références se ferment en rectangle. (…)
Pour le peintre le format du cadre devait jouait un peu le rôle du module pour l'architecte, de la forme musicale (AA', AB, ABA, ABACA, etc,.) pour le musicien. Selon les cultures, il y eut des cadres non dialectiques, comme le tatami japonais, qui est un double carré, et des cadres dialectiques, où le côté le plus grand est au plus petit comme la somme des deux est au lus grand, comme dans le nombre d'or occidental 1,618/1.
La photographie s'est inscrite dans cet enthousiasme, et même elle en dérive. Quand, après quelques millénaires, la volonté représentative des agriculteurs occidentaux devenus industriels les poussa à chercher des images photoniques et à découvrir les propriétés photosensibles des halogénures d'argent, il fut tout à fait normal de donner aux empreintes ainsi obtenues la rectangularité indexatrice qui avait si puissament prévalu dans les images sémiotiques (peintures et sculptures) produites jusque-là. (…) L'image photographique était seulement indicielle, non sémiotique et d'autre part sa perspective demeurait fort flottante; la faire se terminer à quatre angles droits reliés par quatre droites n'était donc pas inutile pour arrimer, baliser, en un mot indexer ce vague, et en particulier pour faire en sorte que la pyramide de l'œil aide à construire quelque peu sa pyramide symétrique, du moins en pointillé."
Henri Van Lier
Anthropologie du cadre photographique
Pour le peintre le format du cadre devait jouait un peu le rôle du module pour l'architecte, de la forme musicale (AA', AB, ABA, ABACA, etc,.) pour le musicien. Selon les cultures, il y eut des cadres non dialectiques, comme le tatami japonais, qui est un double carré, et des cadres dialectiques, où le côté le plus grand est au plus petit comme la somme des deux est au lus grand, comme dans le nombre d'or occidental 1,618/1.
La photographie s'est inscrite dans cet enthousiasme, et même elle en dérive. Quand, après quelques millénaires, la volonté représentative des agriculteurs occidentaux devenus industriels les poussa à chercher des images photoniques et à découvrir les propriétés photosensibles des halogénures d'argent, il fut tout à fait normal de donner aux empreintes ainsi obtenues la rectangularité indexatrice qui avait si puissament prévalu dans les images sémiotiques (peintures et sculptures) produites jusque-là. (…) L'image photographique était seulement indicielle, non sémiotique et d'autre part sa perspective demeurait fort flottante; la faire se terminer à quatre angles droits reliés par quatre droites n'était donc pas inutile pour arrimer, baliser, en un mot indexer ce vague, et en particulier pour faire en sorte que la pyramide de l'œil aide à construire quelque peu sa pyramide symétrique, du moins en pointillé."
Henri Van Lier
Anthropologie du cadre photographique
vendredi 6 juin 2008
"mieux disparaitre"
"Si une chose veut être photographiée, c'est justement qu'elle ne veut pas livrer son sens, qu'elle ne veut pas se réfléchir. C'est qu'elle veut être captée directement, violée sur place, illuminée dans son détail, dans sa qualité fractale. On sent qu'une chose veut être photographiée, veut devenir image, et ce n'est pas pour durer, c'est au contraire pour mieux disparaître. Et le sujet n'est un bon médium photgraphique que s'il entre dans ce jeu, s'il exorcise son propre regard et son propre jugement esthétique, s'il jouit de sa propre absence.
(...) Créer une image, ça consiste à ôter à l'objet toutes ses dimensions une à une : le poids, le relief, le parfum, la profondeur, le temps, la continuité, et bien sûr le sens. C'est au prix de cette désincarnation, de cet exorcisme, que l'image gagne ce plus de fascination, d'intensité, qu'elle devient le médium de l'objectalité pure, qu'elle devient transparente à une forme de séduction plus subtile. "
Jean Baudrillard
jeudi 5 juin 2008
Equilibration*
Equilibration*
Les structures cognitives ne sont en effet jamais en état d’équilibre total et permanent (équilibre entre l’assimilation et l’accomodation) et ne connaissent qu’un équilibre approché pouvant être perturbé par un événement que la structure ne peut assimiler. L’équilibration est donc le processus par lequel cette structure déséquilibrée retrouve un équilibre.
Trois formes d’équilibration sont distinguées :
1- l’équilibration résultant de l’interaction directe entre le sujet et les objets, c’est à dire l’équilibration entre l’assimilation de ces objets à des schèmes et l’accomodation de ces schèmes aux objets.
Les structures cognitives ne sont en effet jamais en état d’équilibre total et permanent (équilibre entre l’assimilation et l’accomodation) et ne connaissent qu’un équilibre approché pouvant être perturbé par un événement que la structure ne peut assimiler. L’équilibration est donc le processus par lequel cette structure déséquilibrée retrouve un équilibre.
Trois formes d’équilibration sont distinguées :
1- l’équilibration résultant de l’interaction directe entre le sujet et les objets, c’est à dire l’équilibration entre l’assimilation de ces objets à des schèmes et l’accomodation de ces schèmes aux objets.
2- L’équilibration entre les sous-systèmes qui se construisent à des vitesses différentes.
3- L’équilibration entre les sous-systèmes et la totalité qui les englobent. Cette dernière forme introduit une hiérarchie verticale et renvoi au problème de la coordination des différenciations et intégrations.
Les structures cognitives sont déséquilibrées par des perturbations qui font obstacles à l’assimilation et conduisent donc à des erreurs ou à des échecs de l’action ( ex. résistance d’un objet qui ne peut être classé dans une classification antérieurement adoptée, ou obstacle à des assimilations réciproques de schèmes, etc.). Le rééquilibrage se fait par des régulations et compensations.
La régulation est la reprise d’une action sous une forme modifiée en fonction de ses résultats antérieurs. (…) Les régulations aboutissent souvent à des compensations. (…) Ces compensations restaurent l’équilibre perturbé mais rarement par un retour pur et simple à un état antérieur.
Le plus souvent, l’équilibration aboutit à un palier d’équilibre meilleur que le précédent. Elle peut s’exercer ainsi quand les contradictions et conflits cognitifs surgissent et destabilisent une structure, d’où l’importance des conflits et des contradictions comme source du progrés cognitif. "
*Concept clé de la théorie de J.Piaget
Disquisitorum Magicarum
"En cette façon, il [le diable] excite les maladies mélancoliques. Car, du commencement, il émeut la bile noire qui est dans le corps, et en pousse les fumeés aux cellules des sens intérieurs. Puis après, il augmente cette humeur par l’accès des choses brûlantes, ou bien la retient et l’empêche de s’évacuer.
Il cause l’épilepsie, la paralysie et semblables maladies par l’apport de sucs plus grossiers, touchant quelquefois le ventricule du cerveau, quelquefois les racines des nerfs. Il rend aveugle ou sourd, en amoncelant des excréments nuisibles aux yeux et aux oreilles."
Martin Del Rio
Disquisitorum Magicarum
Louvain, 1599
La honte d’avoir un esprit
"L’acedia, mélancolie spécifique des moines solitaires qui vivaient dans les déserts d’Egypte à la fin du troisième et au quatrième siècle de notre ère, est une mélancolie radicale en réponse à une oppression absolue. Le schème général de la mélancolie s’en trouve épuré, réduit à des lignes essentielles.
Dans le continuum général de la mélancolie à travers les siècles, l’acedia est un moment pour ainsi dire chimiquement pur. Il s’y joue avec netteté le combat de la vie psychique et des forces qui tendent à l’anéantir.
Dés les début de la première ère chrétienne au temps de l’antiquité tardive, pour les pères de l’église qui s’attachent à la définir, l’acedia fait partie des tentations, mauvaises pensées ou démons qui découpent l’être humain en parties faibles, susceptibles d’être corrompues : l’estomac pour la gourmandise, le sexe pour la luxure, etc..
Dans ce découpage symbolique, l’acedia se taille la part la plus noble, la plus ambiguë : celle de l’esprit.
Si elle n’avait pas été pêché de l’esprit, l’acedia serait restée à bon droit enfouie dans les écrits des pères, où elle se rabâche sur un mode réprobateur. A quoi bon en lire la description immuable, suivie de conseils tout aussi immuables pour en guérir ?
A quoi bon entendre, répéter que l’acedia est une peste de l’âme, de laquelle naissent les pires maux de l’esprit divagation érotique, obsession, ressassement incontrôlé des pensées, en résumé souffrances psychiques intenses – sinon justement parce que la est tout son intérêt ?
L’acedia s’imprime au cœur même de l’activité psychique.
Pour cette raison inavouée, les pères lui réservent une place à part, celle du pire des pêchés.
L’acedia porte en elle sa punition, qui lui ressemble : une insupportable torture mentale, la lassitude d’une attente infinie, un intime châtiment de l’orgueil.
Mais d’un autre point de vue, elle apparaît comme la part de résistance inaliénable de l’esprit humain. Le moine dans le désert veut mourir au monde et se fondre tout vif dans l’infini de dieu – dont la fournaise du désert peut constituer un équivalent sensible. Il prétend s’adonner au Quotidie morior de saint Antoine et n’être ainsi, sous le soleil, qu’un mort en sursis.
Il psalmodie, il tresse des cordes, il parvient à tout abolir en lui – sauf justement l’activité psychique.
Elle seule résiste, quoi qu’il fasse ; elle seule met en échec son projet d’auto réduction à néant."
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